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Ma première psychose

Dernière mise à jour : 23 mars 2023

Une psychose ça pop pas du jour au lendemain, oh non! C'est sournois, c'est ''sneaky''. Ça apparait tranquillement et il faut savoir reconnaitre les signes. Aujourd'hui, je les reconnait aisément, mais quand c'est ta première ça fesse fort! J'avais 27 ans quand j'ai appris que j'étais bipolaire. 2 garçons de respectivement 1 an et demie et 2 ans et demie. Je pourrais vous détailler les évènements de ma première psychose presque seconde par seconde, minute par minute.


Ça a commencé à être plus intense le 4 mars 2017. Ça a duré une bonne semaine. La semaine du 4 au 11 mars 2017 m'a parue une éternité tellement ma perception du temps était biaisé. Comme dans le film Prémonition avec Sandra Bullock, elle était à l'envers. Le lundi était le jeudi, le mercredi était le samedi. Bref, j'avais littéralement l'impression de voir dans l'avenir. Je ne dormais plus, j'avais des projets par dessus la tête, j'embarquais dans tout et je brûlais la chandelle par les deux bouts. Mais ce qui hantait la plus grande partie de mes journées, c'est que je tentais de réparer tous les pots que j'aurais pu avoir cassés. Chaque personne blessée, de près ou de loin, chaque embûches. J'irais même jusqu'à dire, chaque petite ou grosse chicane que j'avais pu avoir dans ma vie j'avais envie de les régler là là. C'était comme si ma conscience criait sans arrêt dans ma tête. Je me souvenais de chaque détail, chaque souvenir, bons ou mauvais. Pis j'en connais un crissti d'paquet du monde fac ça arrêtait pas. Jours et nuits. Mon cerveau allait tellement vite, que je captais tous les signaux et j'en faisais une interprétation personnelle. Les connexions nerveuses étaient genre endommagées... Imagines, tu ouvres la radio, tu entends une chanson qui parle de la mort, tu te dis immédiatement que quelqu'un va mourir. Je sais, ça l'air banal comme ça, mais ça va plus loin. Imaginez appeler votre père en pleurant parce que vous êtes convaincue qu'il va mourir. Imaginez entrer à l'hôpital avec la sérieuse conviction qu'on vous prépare au deuil de votre père. Je me souviens, j'étais persuadée qu'il était là, dans l'hôpital avec moi, sur un autre étage, en train de tranquillement quitter le monde des vivants par suicide assisté. Et pourtant, il n'était pas du tout malade à l'époque. Ça, ce n'est qu'une infime fraction de tout ce que j'ai eu à interpréter pendant cette psychose. Des stimulus on en vit plein au quotidien. Les chansons à la radio, les publicités, les gens que l'on croise, les médias sociaux, nos courriels, nos textos et j'en passe. Capter, et surtout, interpréter tout ce qui se passe autour de nous dans une journée c'est déjà beaucoup, alors en psychose, ça ébouillante le cerveau royalement. Maintenant, imaginez vivre comme ça pendant au moins 30 jours consécutifs. Ce serait impossible, mais je vous rassure. En fait, c'est un peu comme une vague. Les premières journées sont plus tranquilles et ensuite, pendant au moins 6-7 jours, c'est l'apogée total et ensuite ça redescend. Pour ma part en tout cas.


La semaine avant mon arrivée à l'hôpital, j'étais tellement bien! Invincible. De l'énergie comme je n'en avais jamais eu en 27 ans. ( C'est pas vrai, j'ai vécu un high à 23, mais je savais pas que c'était ça, pis ça a fini par passer) Comme Bradley Cooper dans Limitless, j'avais accès à l'entière capacité de mon cerveau. J'écrivais et je partais des théories sur plein de chose. Les souvenirs, les notions, tout était accessible. Je suranalysais tout. Tout! J'étais bien, tellement bien. Mais contrairement à Bradley, j'avais pas besoin de pillule. Pour une des premières fois dans ma vie j'étais à jeun.

Sauf une petite bière de temps en temps...


Le 10 mars 2017, la veille de mon entrée à l'urgence, mon Band et moi on donnait un show pour la réouverture du resto bar Le Coloc de Laval. J'avais invité pleins de gens, des clients, des amis. Tout le monde était là. Tout le monde a été témoin de ma psychose. Parce que oui, je l'ai fait sur la scène. Les chansons que j'avait placées pour mon set me faisaient vivre des émotions tellement fortes que je m'effondrais à la fin de presque chaque chanson. Par exemple, en chantant Price Tag de Jessie J , c'est comme si je venais de réaliser que la vie n'a pas de prix. Jusqu'à penser que l'argent n'existait pas pour vrai et là, mes pensées se sont enflammées. Je réfléchissais à une vitesse complètement surhumaine. Je repassais les paroles dans ma tête et j'an faisait une interprétation absolument démesurée. On vit tous des émotions en écoutant de la musique et ça nous fait tous réfléchir, à différents degrés, mais là c'était trop. Prenez une émotion vécue pendant votre chanson préférée et multipliez-la par 50, ou même par 100 si ça vous tente. C'était ça. J'aurais donné gros pour me retrouver seule dans mon studio chez nous, juste moi pis mon feeling, mais j'étais Live. Les chansons, on les enchainait tellement vite, l'une après les autres, que ça a été littéralement une décharge électrique. Un survoltage. Aucun humain ne peut encaisser ça indem. Ou du moins, ça prend de la pratique, je le sais pas.


À la fin du premier set, je me prenais littéralement pour Céline Dion. Dans ma tête, j'allais me réveiller dans son palace de Las Vegas. J'y croyais dur comme fer. C'était moi l'Élue. La nouvelle Céline. Elle, elle devait se concentrer sur sa famille, s'occuper de ses enfants. C'était mon tour maintenant. Ma fixation pour Céline a été un élément excessivement majeur durant ma psychose. Ça me hantait au quotidien. Toujours à la fin du premier set, le DJ de la place a pris la relève et a immédiatement mis la chanson ''My way '' de Calvin Harris. Cette chanson, c'était la première de notre 2ème set. Je le sais, c'est moi qui place les sets.

Décharge électrique. Il n'avait pas le droit !

J'ai donc pris le micro, j'ai embarqué sur le stage et j'ai commencé à chanter par dessus la musique. Les gens hochaient la tête en signe de désapprobation, mais moi, j'interprétais tout à l'envers et je croyais fermement que NON voulait dire OUI. Tout à coup, on a essayé de m'arracher le micro! NON! JE suis la prochaine Céline, c'est Mon show Vous n'avez pas le droit ! Puis, une femme est venue me chercher pour m'emmener loin de la scène. Elle devait voir que j'étais en détresse. J'aimerais beaucoup revoir cette femme un jour. Bref, c'est à ce moment-là que j'ai aperçu les 4 membres du band en train de parler avec le manager.

'' Ça y est, il me donne un contrat ! Je vais être populaire ! À moi la gloire !'' que je me suis dit. Je pensais même qu'un jet allait venir me chercher ce soir-là pour m'amener à Vegas, mais je rêvais en couleur. En fait, ils étaient en train de discuter sur le fait que je n'était pas du tout en état pour continuer. Ça c'est ce que l'on m'a dit, plusieurs jours plus tard, pendant que j'étais enfermée entre 4 murs blanc, mais je doute que ce soit vrai. Encore aujourd'hui, je suis convaincue que c'était la performance de ma vie. Pis savez vous quoi? Je vais continuer de penser ça parce que ça me fait du bien!


Je sorti tout à coup de ma tête et j'essayai fort de me calmer. Cette même dame qui m'avait escorté jusqu'au fond du restaurant commença à me féliciter, me dire que j'avais une belle voix et que j'étais faite pour ça.

Paradoxe.

On m'aime ou on m'aime pas ? Je comprenais plus rien. Et du coup, elle me demanda si je voulais aller faire La Voix et peut-être rejoindre l'équipe de Marc Dupré. Pourquoi elle me parle de ça elle? Attends, Marc Dupré... C'est le beau-fils de Céline Dion! Je vais faire comme Céline et retourner auprès de mes garçons! J'ai donc pris mon coat et je suis partie. Spontanément, sans même dire au revoir à personne.


Au moment ou je suis entré dans mon véhicule, j'ai reçu l'appel de David, (DJ) mon copain de l'époque, le père de mes enfants. J'ai toujours cru que je me marierais un jour avec cet homme sur la chanson To love you more de Céline, mais ce n'est pas arrivé. En écrivant ces lignes, les souvenirs sont un peu flous. Il me demanda si tout allait bien. Il dit: ''Jason m'a appelé, il m'a dit que tu feelais pas et que tu étais parti sans faire ton 2e set'' (Jason, c'était le gérant du Resto-bar. C'était un ami à l'époque.) Je présumes que je lui ai baragouiné toute sorte de théories farfelues, je devais être tellement incompréhensible à cause des émotions et du paradoxe que j'avais vécu. On a jasé au téléphone jusqu'à ce que j'arrive à la maison, ça le sécurisait j'imagine. Le trajet vers chez moi était un trajet d'environ 20 minutes. Je roulais à 120km/h sur la 15 Nord à la hauteur de Blainville et ce qui se produisit fut phénoménal, surnaturel. Je voyais mon speedomètre qui affichait 120 mais je n'avançais pas. Et croyez-le ou non, j'ai passé presqu'une minute complètement arrêtée à la hauteur du km 23. 1 minute !! 60 secondes! J'étais ''stallé'' là, complètement. Je n'ai jamais compris, même encore aujourd'hui, ce qui s'est passé là.

Ma théorie; mon cerveau était tellement fatigué et malade, qu'il percevait le temps de façon complètement désorientée.

Un Giga Fuck dans l'espace temps.


En arrivant chez moi, on m'avait coulé un bain. Température supposément parfaite, mais pour moi, il était bouillant. J'avait donc vidé la moitié pour ajouter de l'eau froide. Je m'étais alors couchée dans un bain glacial que je croyais bien chaud. J'y suis resté de longues minutes jusqu'à ce qu'on vienne me chercher pour m'amener au lit. Mes parents étaient descendu de Sherbrooke pour le Week-end. Ma mère dormait et mon père était au salon avec mon chum. En sortant du bain, je suis allé voir mon père. Impossible de me souvenir de notre conversation complète, mais je me souviens très bien lui avoir dit : '' Es tu correct Papa? Tu es sûr que ça va? T'es beau papa, je t'aime! '' Toujours en pensant qu'il allait mourir. Je le regardait droit dans les yeux, très profondément. J'avais l'immense impression d'avoir accès à son âme. Je pouvais le voir, tout entier, tout son être. C'était fort ce moment-là. Puissant. Plus fort que tout en fait. Je m'y serais accroché pendant des heures, des jours même, si j'avais pu. Mais ce n'était pas moi qui avait le contrôle ce soir-là. Et comme j'avais dormi à peine 10 heures dans ma semaine, on m'a mise au lit. De force. Je me demande de quoi j'avais le plus besoin à ce moment précis. De profiter du moment avec mon père ou de simplement dormir. Aujourd'hui, le 7 février 2023, ça fait à peine un an et des poussières que mon père nous a quitté. Honnêtement, j'aurais mis le sommeil de côté ce soir-là.


C'est le lendemain que mes parents ont appelé le 911. Selon leur dire, j'étais en total décalage dans le temps. Mes paroles et mes gestes étaient complètement désorientés. En arrivant à l'hôpital, ce matin-là, j'étais encore plus persuadée de la mort de mon père. Je croyais littéralement que pour qu'il puisse continuer de vivre, moi je devais mourir. J'étais aussi convaincue qu'on allait me renvoyer à la maison le jour-même, mais j'y suis resté 24 jours au total. Dans un autre Blog, je vous raconte mon séjour à l'hôpital.


La bipolarité est l'une des maladies mentale les plus complexe du genre humain. Même ceux qui la traite n'arrivent pas avec certitude à trouver le bon traitement. Non, mon père n'est pas décédé à l'hôpital ce jour-là, mais une partie de moi est morte. Elle est restée entre les 4 murs de l'hôpital. Cette partie de moi c'est la ''pré-diagnostiquée''. Je m'amuse à l'appeler comme ça (On a du fun comme on peut!) et il va de soi de dire adieu à cette femme que l'on croyait nous-même. Faut réapprendre à vivre, complètement. Je pourrais comparer ça à une grave blessure physique entraînant une paralysie, ou l'on doivent réapprendre à marcher, à carrément pouvoir se servir de ses jambes. Cet instrument si banal, mais oh! combien important. Dans mon cas, c'est mon cerveau, ma tête et même tout mon corps qui doit réapprendre à vivre. C'est un long combat. J'y travaille encore aujourd'hui, 6 ans plus tard. Je vous en parlerai dans un prochain blog, promis!


À mon retour de l'hôpital, j'ai pu serrer mon papa dans mes bras.

Je croyais être guérie...

Mais je n'avais, à ce moment-là, aucune mais AUCUNE idée de ce qui m'attendait.


J'ai des rêves. Des voix dans ma tête qui me poussent dans une direction précise, mais je les ignore. Je les ai ignoré toute ma vie. Et c'est la plus grande souffrance qu'un être humain peut vivre.


Merci de m'avoir lu



Claudia


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